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MOSAÏQUE

et sont réduits à se nourrir d’herbes et de racines sauvages comme des fauves.

Sur la rive plusieurs vaisseaux se balancent sur leurs ancres.

Sans merci pour de pauvres désarmés, les Anglais chassent, devant eux, les infortunés Acadiens comme un troupeau de bêtes de somme.

La baïonnette dans les reins, il ne reste plus qu’à avancer ou à mourir. D’un côté l’exil, de l’autre, la mort.

On sépare sans pitié les membres d’une même famille. Ici, une mère, se tordant les bras de désespoir, appelle son fils à grands cris ; là, un père en larmes réclame sa fille ; tout près un mari s’attache aux pas de sa femme éplorée ; un peu plus loin, un frère retient sa sœur dans ses bras.

Partout, la désolation, le désespoir, la mort.

Sourde à ces supplications, aveugle à ces larmes, une soldatesque effrénée empaquette comme de vils colis, sur différents vaisseaux, ces infortunés martyrs de la foi et de la patrie.

Assise sur une souche d’orme, une jeune fille, les cheveux en désordre, pleurait. Déjà, on avait arraché d’entre ses bras son père et sa mère.

Elle était seule au monde.

Non, agenouillé près d’elle, un jeune homme, la rage au cœur et les yeux remplis de larmes de pitié et d’amour, cherchait à la consoler.