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Rédemption.

Elle eut la force de les lire ces lignes fatales, pendant que de grosses larmes amères descendaient lentement le long de ses joues, toute blanche au milieu de la route, semblable à ces statues de marbre qui pleurent sur les mausolées.

Un nuage l’aveugla. Mais se raidissant contre son malheur, elle se prit soudain à courir.

Dieu veuille que j’arrive à temps ! gémit elle. Ses genoux fléchissent. La respiration lui manque. Dût-elle écraser sur la route, elle ne peut s’arrêter. Il faut qu’elle le rejoigne, il le faut, coûte que coûte. Franchissant la barrière du bocage Robin, elle s’engage sous la voûte sombre des osiers et des pins. Tout à coup, elle s’affaisse en poussant un cri : ’

— Réginald !

Celui-ci a entendu cette appel, il a reconnu la voix.

Il se retourne. Il revient sur ses pas.

Romaine ne peut prononcer une parole tant est grande son émotion. Elle est épuisée.

Des larmes plein les yeux, elle tend la lettre qu’elle tient à la main.

Réginald, que cette vue met au désespoir, relève la jeune fille et la soutient dans ses bras. Ses lèvres s’humectent des pleurs de Romaine.

Ni l’un ni l’autre ne parlent.

Enfin, Romaine, dans une invocation suprême de l’âme, le supplie les mains jointes :

— Réginald, je ne veux pas que vous partiez !

Tout en maudissant la fatalité qui le poursuit, il serre Romaine contre sa poitrine.

— Pardonnez-moi, Romaine, ma chère petite Romaine, dit-il, mais il le faut.

— Non, non, se récrie-t-elle avec terreur, dites-moi que vous avez voulu m’éprouver, que vous avez voulu vous