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Page:Girard - Rédemption, 1906.djvu/138

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Rédemption.

Ce soir-là, un samedi, M. Larivière venait de terminer un article dans lequel il tonnait contre l’apparition d’un nouveau livre. Il dénonçait dans les termes les plus violents et les plus grossiers et le livre et l’auteur, mettait au ban, « … ces romans pervers, immoraux, licencieux, qui sont introduits tels des vipères visqueuses dans un panier de fleurs, au sein de la société, de nos familles, pour apprendre l’adultère à nos femmes, et pour corrompre les cœurs innocents de nos jeunes filles. La justice devrait mettre la main sur ces lâches et les punir comme les voleurs de grands chemins qui assassinent leurs semblables à la faveur des ténèbres. Ceux-ci sont moins coupables, n’enlevant que la vie du corps, alors que ces infâmes romanciers tuent l’âme » …

Et celui qui venait d’écrire ces lignes enflammées, prenant la place de Claire, se coula dans la bergère, en attirant la jeune fille dans ses bras.

Celle-ci eut un geste de répulsion. Elle gardait le silence, un silence farouche.

Soudain, elle s’arracha à l’étreinte du libertin.

— Le public vous croit homme d’honneur, vous, n’est-ce pas ? demanda-t-elle à brûle-pourpoint.

— Sans doute, fit l’autre, interloqué.

— Bien plus, on vous tient pour un champion, un courageux défenseur de la religion.

— On le dit.

— Et si l’on connaissait votre conduite ?

— Voilà ce que je ne voudrais pas pour tout l’or du monde.

— Alors, pourquoi donc, menez-vous cette vie de débauche avec moi ?

— Ah ! ma chère, parce que vous êtes jolie, parce que vous êtes charmante, parce que je vous aime, parce que…

— Ah ! la ! la ! assez, interrompit Claire, avec un geste d’impatience et en se levant brusquement ; assez de vos stupides fadeurs ! Vous vous conduisez ainsi avec moi, parce que vous