Page:Girard - Rédemption, 1906.djvu/145

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
143
Rédemption.

— Où puis-je vous parler sans témoins ?

Cette question fut suivie d’un silence.

— Suivez-moi, répondit enfin Claire.

De tout le trajet, ils ne dirent mot, préoccupés l’un et l’autre de pensées diverses.

Dix minutes plus tard, Claire suivie de Réginald entrait dans son boudoir de la rue Victoria.

Elle allait s’asseoir dans la bergère devant la cheminée, lorsqu’elle eut un geste de répugnance involontaire, et prit place sur une chauffeuse en acajou capitonné en brocatelle de soie fleurie, au coin de la cheminée.

Réginald avait refusé de prendre un siège. Il se tenait debout, les deux mains derrière le dos et tourné au foyer.

Le silence commençait à peser lourdement dans ce boudoir parfumé où l’on n’entendait que le tic tac de la pendule et le crépitement du charbon qui venait d’être jeté dans l’âtre.

Claire, pour mettre fin à cette situation gênante, dit :

— Suis-je indiscrète en vous demandant si vous avez perdu un être aimé : vous me paraissez en deuil ?

— Oui, un être très cher.

Le silence retomba lourd comme une porte de fer qui se referme sur un caveau.

— Savez-vous où vous êtes, en ce moment ? dit Claire avec hésitation, en tenant les yeux rivés sur la pointe de ses bottines.

— Je le sais, et si j’y suis, c’est pour vous emmener aujourd’hui même loin d’ici.

Claire tressaillit.

— Connaissez-vous ce que le monde pense de moi ? demanda-t-elle d’une voix étouffée comme dans un cauchemar.

— J’en sais une partie et je devine le reste.

Vous souffrez, Claire, vous souffrez beaucoup. Je suis votre ami. Je veux votre délivrance. Il en est temps encore. Ouvrez moi votre cœur. Le voulez-vous ? Dites.