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Rédemption.

Quand même il crierait sur les toits qu’aujourd’hui Claire Dumont est une honnête fille ; que beaucoup d’entre celles qui posent en vertueuses et lui prodiguent leur mépris de fausses chastes et de dévotes apocryphes ne sont pas dignes de boire dans le même verre qu’elle ; quand même il dirait cela, on lui rirait au nez et on ne la traînerait pas moins sur la claie.

Quand il se montrerait avec elle dans toutes les places publiques, on dirait qu’il vit en concubinage avec cette fille.

Le mariage ?

Oui, c’est cela il épousera Claire. Elle acceptera avec reconnaissance, car il n’ignore pas qu’elle l’aime. C’est une folie qu’il va faire, il le sait bien. Mais, comment donc ! va t-il reculer lorsque pour elle, et en mémoire de l’autre, il a déjà sacrifié sa réputation.

Oh ! il ne se fait pas d’illusions. Pour un bon nombre ce mariage, loin d’une réhabilitation de Claire, ne sera que l’aveuglement d’un homme probe et bon.

Mais combien parmi les mères qui ont cherché à lui faire épouser leurs filles diraient non, même aujourd’hui, s’il consentait à demander aucune de ces jeunes filles en mariage ? C’est donc qu’on le considérait toujours comme un honnête homme, nonobstant sa liaison avec Claire, comme on disait. Or, un honnête homme ne lie pas sa vie à une jeune fille, si si elle n’est pas digne de lui.

D’un autre côté, en épousant Claire, il serait l’objet du blâme, du ridicule de plusieurs, de cette pitié faite de haine plus que de charité.

Qu’importe ! Quand un homme honorable offre de sang froid de donner son nom à une femme, quand il lui propose de devenir la mère de ses enfants, c’est qu’il a pour cette femme une estime et un respect devant lesquels le dédain et la médisance doivent s’arrêter comme devant un seuil sacré.