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Rédemption.

au plafond, la lumière tombait en lui mettant sur la tête des reflets d’argent.

Réginald ne dit mot. Sans doute, il se demandait s’il allait parler, trahir ce secret que seul il connaissait. Il regarda le prêtre. Sur sa figure ridée il ne surprit qu’une bienveillante affection.

Alors il dit :

— Parce que j’ai follement aimé une humble mais incomparable jeune fille, et que je suis malheureux.

— Romaine Castilloux, ajouta simplement le curé, sans détourner les yeux du jeune homme.

— Vous savez donc ? reprit celui-ci.

— Je le savais. Et si vous l’avez aimée autant qu’on peut aimer à votre âge, je comprends votre douleur, puisque moi, pauvre vieillard qui m’étais attaché à cette enfant que j’ai tenue sur les fonts baptismaux et que j’ai protégée durant sa vie, trop courte, hélas ! avec la sollicitude d’un père, j’en ai eu tant de chagrin. Pas un jour ne se passe sans que j’y pense. Le dimanche surtout, lorsque l’orgue, qu’elle faisait chanter et pleurer, restait fermé, nos messes et nos vêpres ressemblaient plutôt à des funérailles.

— Personne n’a pris la place de Romaine ?

— Si, la femme d’un de mes paroissiens, depuis un mois, touche l’orgue, par oreille, tant bien que mal. Elle fait son possible, la chère femme, mais ce n’est pas Romaine, ce n’est pas Romaine Castilloux, répéta-t-il, en branlant la tête avec tristesse.

— Tenez ! ajouta le curé, dans toute la durée de mon ministère à Paspébiac, je n’ai pas rencontré de jeune fille d’un aussi bon naturel, aussi douce, aussi tendre, aussi affectueuse, aussi intelligente, aussi laborieuse et aussi belle, oui, aussi belle, car moi, un vieux bonhomme, je m’eu suis aperçu.

Encore un verre de vin, monsieur Olivier ?

— Non, merci.