Page:Girard - Rédemption, 1906.djvu/45

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
43
Rédemption.

brelle, ses gants, son chapelet sur la balustrade, et après une prière au bon Dieu, elle s’asseyait à l’orgue.

Oh ! comme elle la faisait vivre, chanter, exulter sous ses doigts la religiosité si puissamment joyeuse du gloria in excelsis Deo.

En contemplant cette jeune fille qui, la veille, par sa seule vue, lui avait révélé tout un monde, avait converti le puritain qu’il était en un être passionné, tout se transforma dans cette humble église de village.

Il se demanda comment, de cette misérable boîte, des sons aussi mélodieux pouvaient sortir.

Ce n’était pas une femme, ce n’était pas un être matériel qui jouait. C’était une âme qui chantait, l’âme d’une vierge qui s’épanche dans le sein de la divinité qu’elle adore.

Il la regarda. Intimidé comme un enfant, il détourna la tête devant les deux grandes prunelles noires de la jeune fille. De nouveau, il leva les yeux vers elle. Fasciné, il soutint ce regard, terrible dans sa candeur.

Est-ce lui qu’elle avait remarqué, ou bien, si ses yeux errant dans le vague s’étaient arrêtés sur lui sans le voir, sa pensée étant emportée plus haut, infiniment plus haut, vers des cimes que lui, avec sa nature épaisse, ne pouvait atteindre. Malgré le doute, il fut heureux.

Vêtue d’une robe de satinette bleu clair, elle portait pour toute parure quelques pensées et roses sauvages à sa ceinture.

Lorsqu’elle s’agenouillait à la balustrade pour adorer le Créateur, lui, adorait la créature.

Son esprit, son âme, ses sens étaient pleins de cet être enivrant.

Avant même de connaître le non de cette entant, il fut mordu au cœur par la jalousie, se demandant, avec anxiété, si elle aimait ou si elle avait jamais aimé.