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Rédemption.

be poivre et sel en broussaille. Les traits réguliers et caractéristiques. Très hâlé par le soleil. Calme d’ordinaire, il parlait fort et avec de grands gestes. Il était vêtu d’un tricot en grosse laine brune et d’un pantalon de flanelle grise, avec, ça et là, de larges pièces jaunes comme dans la voiture de sa barge. Un chapeau mou en feutre tout déformé, de fortes bottes en cuir, et un tronçon de pipe au fourneau échancré : voilà l’homme. Johnny Castilloux avait soixante-quatorze ans.

— Pardon, messieurs, dit Réginald en les abordant, vous êtes pêcheurs, si je ne me trompe.

— Oué, le monsieu, répondirent-ils.

— Seriez-vous assez bon de vous embarrasser d’un pêcheur inutile ? J’aimerais beaucoup à faire la pêche à la morue.

— Vous êtes un monsieu d’la ville, demanda Johnny Castilloux.

— Oui, monsieur.

— Ça nous fera ben du plaisir de vous aguinder si ça peut vous être agréable, mais pour un monsieu d’la ville c’est pas ben drôle, j’vous en assure. I faut s’lever su’ l’p’tit jour. Et pis, on n’a pas toujours de la boëtte, voyez-vous ben.

— Pour ce qui est de me lever de bon matin, ça me va. Si vous voulez bien de moi comme compagnon de pêche, je me rendrai au poste à l’heure voulue. Où vous trouverai-je ?

— Vous descendez la côte, et pis, après avoir traversé le pont, vous tournez à votre gauche et suivez le banc jusqu’à un p’tit mât cassé par la moitié su’ l’plain. C’est là qu’est notre barge.

— Le plain ? répéta Réginald.

— Té ? fit le pêcheur n’ayant pas saisi la question.

— Qu’appelez-vous le plain ?

— Le plain, expliqua Jérôme Roussy, c’est là ous qu’on embarque, quoé,

— La grève, alors.

— Vous l’avez.