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des facilités et des garanties pour une existence plus douce, et que je fasse servir au moins les tourments de mes mauvais jours passés à la sécurité de mes beaux jours à venir ?

Mais je me fâche et c’est inutile, puisque je veux vous écouter. Je vous fais part de mes projets. Demain soir je retournerai à Fontainebleau. J’y suis déjà restée cinq jours, quand j’y ai mené madame de Langeac ; je comptais n’y passer que quelques moments, mais ma cousine était inquiète, sa fille se trouvait plus souffrante et je n’ai pas voulu la quitter avant qu’elle ne fût tout à fait rassurée. Cette maladie, qui n’est que trop vraie, va m’aider dans tous mes mensonges. De Fontainebleau, j’écrirai une lettre très-aimable à M. de Monbert ; je lui dirai que nous avons été obligées de partir subitement sans lui dire adieu, pour aller soigner une jeune malade, qu’elle va mieux maintenant, et que nous espérons, madame de Langeac et moi, retourner à Paris la semaine prochaine ; dans trois jours, en effet, je reviendrai ; ainsi personne ne saura que je suis allée à Pont-de-l’Arche, excepté M. de Meilhan, qui m’oubliera sans doute, et qui d’ailleurs doit rester en Normandie jusqu’à la fin de l’année.

Oh ! l’amusante soirée que nous avons passée ensemble, M. de Meilhan et moi, chez madame Taverneau ! Comme nous avons ri ! Il était le roi de la fête, mais il ne voulait pas en convenir. Madame Taverneau était si fière de recevoir chez elle le jeune seigneur du village, qu’elle avait fait pour lui plaire des frais inouïs. Elle avait fait venir de Rouen un piano, on ne parlait que de cela dans la ville. Mais le grand effet de la soirée était un effet de pendule ; je dois le dire, il a complètement manqué, ou plutôt il a eu lieu en sens contraire. On se tient ordinairement dans la chambre à coucher, mais ce soir-là on avait ouvert le salon. Or, sur la cheminée de cette pièce splendide