Page:Girardin-Gautier-Sandeau-Mery - La Croix de Berny.djvu/280

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n’avais vu aussitôt la plus pure joie rayonner sur son noble visage, si je n’avais à l’instant tout compris, tout deviné, je crois que je me serais jetée par la fenêtre pour échapper à cette torture inconnue qui me donnait le vertige, et que je ne pouvais, que je ne voulais pas supporter. Mais il paraissait trop heureux pour être coupable. Il me fit signe, et je compris qu’il allait venir. Je l’attendis… Quelle attente ! Mes cheveux étant dénoués, j’appelai ma bonne Blanchard pour m’aider à me coiffer et à m’habiller, et ma voix était si faible, qu’elle accourut tout effrayée, croyant que je me trouvais mal… Mille pensées confuses se pressaient dans ma tête ; une seule restait claire et immuable : Je l’ai retrouvé, je vais le revoir ! Quand je fus habillée… oh ! je n’avais pas beaucoup de prétention pour ma parure ce jour-là… j’allai m’asseoir sur le canapé de mon pauvre petit salon ; et là, pâle d’émotion, et n’osant respirer, j’écoutais avec une impatience brûlante les différents bruits de la maison. Bientôt j’entendis sonner à la porte ; la porte s’ouvrit ; une voix cria : Vous ! monsieur le comte ! Il n’attendit pas qu’on m’avertît ; il entra dans le salon et vint à moi. Il était si joyeux de me retrouver, j’étais si heureuse de le revoir, que dans les premiers moments il n’y eut pas du tout besoin, ni pour lui ni pour moi, d’explications : c’était bien évident qu’il était libre de m’aimer puisqu’il avait tant de joie ; c’était bien prouvé que moi-même je pourrais être tout à lui, puisque je le revoyais avec tant de bonheur. Quand il eut retrouvé la voix, il me dit : Quoi ! c’était vous, cette étoile chérie que j’ai aimée pendant deux ans ! Alors, je me suis rappelé mes craintes d’un moment, et je lui dis à mon tour : Quoi ! c’était vous le phare mystérieux ! Mais comment demeuriez-vous là… Pourquoi M. le comte de Villiers habitait-il une mansarde ?

Alors, chère Valentine, il m’a conté sa noble histoire : il m’a avoué, en se troublant un peu, qu’il était devenu pauvre comme moi ; bien pauvre, parce qu’il avait donné