Page:Girardin - La Canne de M. de Balzac.djvu/145

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comptait si bien sur ses distractions, que rien, dans cette circonstance, ne lui sembla extraordinaire. On est toujours invisible pour les esprits absorbés.

Le gros monsieur se rangea de côté, de manière à ne plus fermer le passage ; il reçut plusieurs coups de coude pendant un quart d’heure, il les attribua au peu d’étendue du trottoir, et continua sa route en faisant mille réflexions raisonnables sur cette manie d’imitation qui nous fait établir des trottoirs à Paris dans des rues très-étroites, parce qu’il y en a à Londres dans des rues très-larges.

À la bonne heure ! pensa-t-il en rejoignant les boulevards, on peut marcher à l’aise ici. Au même instant, un commissionnaire qui portait sur ses épaules un grand cheval de bois — le roi des joujoux ! invention sublime ! première émotion de l’enfance — sortit non sans peine du fameux magasin de Tempier. Il hésita un moment avant de s’embarquer sur le boulevard, puis, voyant un espace vide, il s’avança hardiment. On eût dit que ce cheval de bois qu’il soutenait dans les airs était celui