Page:Girardin - La Canne de M. de Balzac.djvu/172

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

émotion si violente est presque un tourment. Nous sommes alors la proie de notre bonheur, nous ne songeons pas à le savourer.

Mais sitôt qu’un adieu passager nous délivre, notre âme magnétisée respire, elle s’exhale, elle retrouve sa volonté, elle se comprend, elle sait qu’elle aime ; elle ne subit plus son amour, elle l’accepte, pour ainsi dire. Alors elle ose rappeler le maître qui vient de la quitter, elle ose l’évoquer, elle le ramène par la pensée, elle le retient, elle lui parle, elle lui confie toute sa folie, elle lui raconte son bonheur ; comme il n’est plus là que par un rêve, elle n’a plus peur de lui, elle peut être franche, elle lui dit tout. Seule, elle a plus d’amour qu’en sa présence ; seule, elle est plus à lui que sur son cœur.

Et Malvina se croyait seule.

Quand il avait fallu se quitter, tremblante et d’un pas discret, elle avait conduit Tancrède dans une espèce d’antichambre où il devait passer le reste de la nuit.

Tancrède y était resté quelques instants. Mais — il y a toujours des hasards comiques