Page:Girardin - La Canne de M. de Balzac.djvu/235

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Tancrède retourna chez lui en riant de cette nuit d’amour passée si paisiblement ; d’abord il se regarda comme un niais qui n’avait pas su profiter d’une aussi bonne occasion ; ensuite il se jugea comme un honnête homme qui aurait rougi d’abuser de l’innocence d’une jeune fille ; mais enfin, comme il avait l’esprit juste, il s’avoua qu’il n’était qu’un égoïste, qui respectait déjà, dans la pureté de Clarisse, la réputation de sa femme.

Clarisse passa la journée assez gaiement, mais avec une grande émotion au fond du cœur, cette agitation vague et brûlante qui a tant de charmes ! Elle se dit qu’elle avait eu une vision, un sommeil agité, suite de la fatigue qu’une course trop longue lui avait causée.

— J’avais la fièvre, sans doute, une fièvre de courbature. Elle n’y pensa plus.

Mais quand le soir vint, elle se sentit plus craintive : un instinct l’avertissait de se défier. Elle n’osa se mettre au lit.

— Je n’ai pas sommeil, je vais lire… non, je vais copier ces vers de madame Valmore, l’Ange gardien, que j’aime tant.