Page:Giraud - Héros et Pierrots, 1898.djvu/203

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Qui me regarde et dont je sens les yeux nocturnes
M’ensorceler la chair de baisers taciturnes,
Et que je ne vois pas, et dont le cœur aimant
Palpite sur mon cœur, et vient obscurément,
Comme un écho lointain de la houle marine,
S’apaiser et s’éteindre, ici, dans ma poitrine !
— Ton cœur, n’est-il pas vrai, ressent le même émoi ? Tu ne dis rien… Pierrot, je t’ai blessé…

PIERROT (à Arlequin)

Tais-toi !

(A part) Cet Arlequin me trouble. Amoureux ! Je l’envie,
Et sa douceur m’irrite. On dirait que la Vie
Se sert de cet enfant cruel pour m’assiéger.

(A Arlequin)

Taisez-vous, Arlequin ! Pierrot, c’est l’étranger,
C’est le passant qu’on ne connaît jamais, l’avare
De son cœur orageux et fou, c’est le barbare
Qui pleure de ce qui vous fait rire, et qui rit
De tout ce qui vous fait pleurer, c’est un esprit,
Une lumière espiègle et pensive qui vibre
Un peu plus haut que votre amour ! Pierrot est libre !
— Et ne me parlez plus, car vous m’offenseriez !

ARLEQUIN

Comme vous aimeriez, Pierrot, si vous aimiez !

(Entrent Cassandre et Eliane.)