Page:Giraud - Héros et Pierrots, 1898.djvu/41

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Ni rien de ton amour plus profond que la mer
Ne pourrait dans la paix de sa houle infinie
Adoucir le tourment de ma lente agonie
Qui descend sur ses flots comme un soleil amer ;

Et mon sang pleure et songe en ses veines lassées
Que nous avons tué l’espoir, que tout est su,
Que tout est vu, tout est prévu, qu’il est déçu
Le désir d’un bonheur nouveau, que nos pensées

Ne pourront plus jamais s’être vierges, que rien
Ne fera refleurir dans nos veilles funèbres
La rose de l’énigme et le lys des ténèbres,
Et je te pleure et je nous pleure, et je sais bien,

Toi mon dernier calice et ma douleur suprême !
Que je ne pourrais pas t’aimer mieux, ni plus fort,
Que notre fier bonheur est pur comme la mort,
Que tu le sais, que tu m’aimes et que je t’aime,

Et c’est pourquoi je souffre, et pourquoi, le cœur las,
Solitaire, et buvant ma soif inassouvie,
Je me meurs, transpercé par l’impossible envie
D’un sacrifice obscur que tu ne prévois pas !