Page:Giraudoux - Adorable Clio.djvu/165

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C’est sur elle que je m’amuse à tirer…

— J’entends Drigeard qui s’agite… Je vais prendre son fusil, car à lui peu importe… Il tire, mais sans savoir qu’on vise ; il tire comme à un duel ; à l’assaut, il charge le premier, criant fort mais en baissant les yeux comme un amateur qui chante à vêpres, son arme à la bretelle ; toujours le premier, mais sans se douter qu’on a à tuer ; inoffensif, toujours avec les plus sanguinaires ; toujours avec les plus courageux, mais avec des précautions d’enfant, cachant son ventre dans sa musette où il porte une assiette en aluminium, son cœur avec un cache-cœur…

— Ségaux s’éveille… Voici le petit jour… La nuit là-bas s’argente et il suinte un jaune acide et pourri… Un coq chante…

— Un coq chante… Une fois seulement… Il y avait sans doute des artilleurs dans sa grange… Voici le petit jour… Mon sergent se retourne sur le côté droit et je retire doucement son fusil pour qu’il puisse dormir…