Page:Giraudoux - Adorable Clio.djvu/170

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l’amandier en fleurs ; tout ce qui était blanc a soudain la pudeur de ceux qui ont dormi, — et les paupières des dormeurs sont mauves dans leurs visages pourpres. Changerais-je ce réveil, Drigeard que je suis — tous ces hommes aplatis autour de moi comme des aviateurs tombés — accepterais-je de troquer ce réveil contre mon plus grand deuil, contre une tempête, contre une honte sans issue ? Suis-je au jour le plus triste ou le plus fier de ma vie ? Changerais-je ce réveil pour un rendez-vous dans Paris, là-haut, rue de Dunkerque, pour une aurore dans Ispahan ? Dois-je être heureux, dois-je frémir de voir sur mon petit secteur les armées se heurter non par ce qu’elles ont de plus cruel et de plus dur, non par des coloniaux aux crânes rigides, par des casques, — mais par des notaires, des professeurs et tout ce qu’il y a de plus sensible dans le Forez ?… Une heure, et nous allons partir, aller vers un ennemi qui nous attend debout, sans batailles dans des réseaux de