Page:Giraudoux - Adorable Clio.djvu/185

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une île, de l’île à un îlot, vole vers Midi. Nous débarquons à la hâte, évitant le naufrage, car un sapin coupé glisse déjà du haut du toboggan vers le lac ; nous allons à la scierie par un chemin jadis couvert de sciure, mais qu’il a fait goudronner depuis qu’il y perdit sa chaîne d’or. Il m’apprend le secret qui fait distinguer le pin rouge, le pin blanc, le pin noir ; assemble son équipe de bûcherons qui va partir pour la France, me force à leur dénoncer en français nos plus grands arbres, le chêne, l’orme, et je sauve avec peine les hêtres, vos préférés. Dans les raccourcis nous allons, sous les ronces, dignement, en gens qui ne parlent pas la même langue, et pas un de ces gestes nobles n’est perdu, mon amie, car la forêt est pleine de lynx. Dans les clairières, il me montre les restes des feux de bois qu’il a allumés depuis son enfance, et les tisons de vingt ans noircissent encore les doigts. Attendri, il s’assied, douce amie, il rêve… et soudain quatre petits blaireaux, amie