Page:Giraudoux - Adorable Clio.djvu/231

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sieste, dans leur trou bordé de mosaïque, les Sénégalais faisaient ce que nous faisons à minuit, se retournaient en gémissant, appelaient leurs griots. La guerre assoupie, pour ménager son poing, ne frappait que sur ce qui est élastique, sur la mer, sur les vaisseaux, s’acharnait sur le bateau-citerne, le coulait. L’Annam, le courrier, brûlait en rade, et jusqu’à nous flottaient des papiers noirs. Torpillé, le Triumph se retournait, on entendait l’équipage, au garde-à-vous sur le pont, scander son nom. Le Détroit se bombait entre ses deux rives, comme s’il pénétrait par son centre un énorme sous-marin. Tous les bateaux sifflaient l’alarme, toutes les sirènes résonnaient et, dans des tourbillons de lumière, les navires soudain aveugles manœuvraient avec plus de bruit et de précautions que dans le plus épais brouillard. Sur les mines dérivantes, les légionnaires faisaient des feux de salve. Au fond du golfe, à peine visible, le plus gros cuirassé du monde, agacé, s’enveloppait par inter-