Page:Giraudoux - Adorable Clio.djvu/44

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rin, et une fois une perle vraie pour ma cravate. Te rappelles-tu, pendant la guerre japonaise, quand tu restas trois mois sans recevoir d’argent de poche ni de lettres, et que tu écrivis un programme des dix grandes aventures de ta vie, racontant chacune pour dix sous et la vendant écrite pour un mark ? J’achetai « Premier Aiguillage », où ta nourrice te perd à la gare de Berlin et où tu es retrouvé sous la locomotive, criant à cause de la chaleur. Je désirais « Premier ébat du cœur », mais tu le donnas à Borel. J’ai toujours cru — tu disais non — que tu avais une préférence pour Borel. Avoue-la aujourd’hui. Je peux te dire maintenant qu’il te volait. Il passait la main sous le volant de ton casier, le soulevant à peine, et puisait à ton chocolat. Sans mesure : dans une seule étude, il vola dix tablettes et il allait les manger loin de toi, c’était sa seule pudeur. Je m’assis au dixième vol sur le casier ; je sentis son poignet craquer. Il ne poussa pas un cri et je n’osai le dénoncer…