Page:Giraudoux - Adorable Clio.djvu/94

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Malgré tout, la Grande-Rue seule m’attire. Sur ce trottoir tous mes pas ont marqué ; voilà que je reprends malgré moi une marche plus courte ou plus longue selon les boutiques ; je dépasse chaque étalage avec le même nombre exact d’enjambées qu’en mes Jeudis de lycéen : nos traces dans ce monde sont le plus lourdes là où nos pas furent le plus légers ; chargé de valises sur tant de continents, chargé du sac et des piquets de tente sur tant de boues, d’un cerveau de plomb dans tant de capitales, je n’ai pu marquer sur cette terre, et ici mes pieds se logent dans leurs antiques moules ; et quelle surprise de revoir, plus brillantes qu’alors, ce que je n’attendais que comme un écho, un reflet : ces superbes enseignes ! Voici gravés en mots d’or et en lettres rouges, gigantesques, les premiers noms, cette fois, que j’aie entendus et compris, le mot « Bazar », le mot « Préconiseur public », le mot « Primistère » !… Il est six heures. Ce que mon voisin appelle