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à leur guise, les sœurs et les cousines, en robes claires où éclatait une robe rouge ; elles se levaient aux noms propres, au nom d’Eliot, au nom de Lowell, hésitant et frémissant — sont-ce des noms propres ? — au mot de Guerre, au mot de Mort, et nous voyions alors se tendre, cloué au stade par les robes rouges, un immense oiseau avec ses ailes. Puis un coup de vent releva sur la piste toutes les robes des étudiants ; on aperçut les uniformes si bien coupés, si propres, on comprit, palpitant et tout neuf, le symbole. Des jeunes filles aussi furent prises ; on vit de fines jambes avec des bas transparents ; on ne vit pas de genouillères et de cuissards d’argent, de molletières d’acier ; et les femmes, pour la première fois en Amérique, se sentirent faibles et sans défense.



Muriel Patham, la danseuse, habite le même hôtel que Marie-Louise. Vous savez le scandale d’où elle est sortie célèbre. Le professeur Apponyi, qui revenait d’Écosse et présidait à Saint-Louis la réunion d’enrôlement, n’a pu supporter voir des jeunes femmes à costume léger envahir en intermède l’estrade des conférenciers. Il s’est enfui, refusant de prononcer son discours sur l’effort de la guerre. Une des danseuses parvint à le toucher, et c’est Muriel Patham.

Muriel me présente à sa mère, une des rares Minnésotaises qui sachent que la statue de la Liberté fut donnée