engloutit tous les autres détachements de la parade. Aux
spectateurs innombrables penchés des étages comme du
pont d’un navire, les mères dans le défilé tendaient des
enfants. Naufragées qui portaient toutes — de quoi donc
sauve-t-elle ? — une cocarde française. Danseuses de Caliban
prises dans le flux, en tunique blanche, en robe de soirée,
comme des passagères surprises à minuit par la torpille…
Traînards, femmes déjà fatiguées, celles qui auraient
sombré avec leurs fillettes les premières… Celles qui depuis
dix minutes seraient englouties, invisibles…
Puis, après un vide que trois petits juifs traversent en courant mais avec assurance, comme leur nation traversa la Mer Rouge, par lignes de seize, l’arme sur l’épaule, au pas de parade, des êtres silencieux, deux fois plus larges, deux fois plus hauts, qui agitaient leurs mains en cadence : des hommes… Voilà ce que l’on voit en Amérique.
Déjà l’on voit aussi, sur le perron des villas heureuses, une mère et une femme embrasser en pleurant un jeune homme qui rit. Il part, à la main cette valise plate qui sert pour les visites du dimanche, et qui contient pour la première fois au lieu d’un habit un uniforme ; il se retourne, il ne voit plus que l’une, car la seconde, de peine, est rentrée ; il a pour celle qui disparut, s’il l’aimait un peu moins que l’autre, un immense amour. Il me rencontre, il me regarde. Il