Page:Giraudoux - Amphitryon 38, 33e édition.djvu/90

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ALCMÈNE. — Toi tu fais tout exprès, chéri, soit que tu entes tes cerisiers sur tes prunes, soit que tu imagines un sabre à deux tranchants. Mais crois-tu que Jupiter ait su vraiment, le jour de la création, ce qu’il allait faire ?

JUPITER. — On l’assure.

ALCMÈNE. — Il a créé la terre. Mais la beauté de la terre se crée elle-même, à chaque minute. Ce qu’il y a de prodigieux en elle, c’est qu’elle est éphémère : Jupiter est trop sérieux pour avoir voulu créer de l’éphémère.

JUPITER. — Peut-être te représentes-tu mal la création.

ALCMÈNE. — Aussi mal, sans doute, que la fin du monde. Je suis à égale distance de l’une et de l’autre et je n’ai pas plus de mémoire que de prévision. Tu te la représentes, toi, chéri ?

JUPITER. — Je la vois… Au début, régnait le chaos… L’idée vraiment géniale