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ARMISTICE À BORDEAUX

tâcherai de garder au moins un de mes noirs, un de mes jaunes, un de mes rouges, mais sur un radeau immobile accolé à la France même, mes frères vont dériver et disparaître. L’héritage de mon fis est écorché, morcelé… Cependant pas une ambition que je ne puisse lui laisser intacte. Pas une demande de mon bonheur que je ne puisse léguer à sa souffrance… Je lui lègue, dans cette meurtrissure, le soin d’écarter du monde l’ennui de vivre. Je lui lègue, dans ce trouble, la clarté même. Je lui lègue, dans cette hémiplégie, l’agilité. Dans l’autre guerre, un jour d’attaque, aux Dardanelles, nous nous passions de main en main vers l’arrière, des trésors grecs qui s’éboulaient de nos tranchées. Je lui passe la journée où il pourra être Français vingt-quatre heures sur vingt-

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