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Page:Giraudoux - L’École des indifférents.djvu/113

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DON MANUEL LE PARESSEUX IO9

se posa sur ses oreilles, qu'elle givra. Je lui expliquai, dans ma confusion, le maniement du fusil, insistant selon la théorie sur ses désavantages; elle écoutait sans impatience; des mois inoubliables me montaient aux lèvres; parfois je sanglotais avec désolation; mes jambes étaient si alourdies que je m'assis sur la première marche, et nous commen- cions tous deux d'être si tristes que nous ne pensions point à nous embrasser.

Le gouverneur arriva; il avait l'air très intelligent. Je montai dans le phaëton qu'il conduisait d'un air désabusé; j'étais sur le banc de derrière, seul avec elle, et nous étions pleins de joie; de temps à autre, pour que le mari ne soupçonnât rien, nous poussions des plaintes affreuses. Il ne nous en surprit pas moins joue contre joue, haussa douce- ment les épaules, et trouva le moyen, en prononçant seulement mon nom, d'affirmer que sa femme était la plus belle. C'est alors ({ue la jalousie m'éveilla et que j'allai, écar- tant les rideaux, regarder la lune d'étain où la terre mire un œil qui rit, un œil qui pleure et deux lèvres inoccupées

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