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Page:Giraudoux - L’École des indifférents.djvu/173

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LE FAIBLE BERNARD 169

devenir une anecdote. Il inventait donc son passé quand il en avait besoin; il y logeait les aventures que son imagination bâtissait sans répit; et il -défaisait ses souvenirs d'occa- sion après chaque récit ainsi qu'un prote, le cliché une fois inutile, remet en place ses caractères.

— Je me souviens qu'un jour, vers mes sept ans, voisins et parents se mirent à me considérer avec curiosité. Ils chuchotaient à mon approche; je distinguai dans leurs mur- mures tous les prénoms de mes cousines; on m'annonça que nous partions pour la Pro- vence, oij elles habitaient, et l'idée me vint que l'on voulait me marier. D'angoisse je dormais à peine. Je pleurais en cachette chaque matin et chaque soir.

Il s'arrêfa une minute. Il aimait à parler en versets. Et depuis longtemps il tenait prête une description du midi.

— Le jour du départ arriva... C'était l'au- tomne, comme aujourd'hui. Jusque-là, je ne l'avais vu que dans notre petit jardin carré, qu'en hauteur. Le train perçait maintenant pendant des lieues entières l'air le plus coloré

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