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Page:Giraudoux - L’École des indifférents.djvu/33

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JACQUES L KGOISTE 29

tais confusément qu'un de mes plus chers sentiments mourait, en bas âge. Mais nous étions, pour parler de lui, trop occupés pen- dant les récréations. A midi, c'était notre philharmonique. De plus un grand poète était mort de misère à Paris, sa famille qui habitait en face de notre lycée l'ayant renié. Nous nous glissions tour à tour, la nuit tom- bant, jusqu'à la maison damnée et lancions des poignées de gravier dans les fenêtres. Une vieille dame ouvrait la fenêtre, effarée, la refermait. Nous recommencions... Elle ap- paraissait encore et se signait. Elle ne se dou- tait pas que c'était peut-être son fils, toujours agité, qui, dans l'éternité même, en secouait les sabliers avec trop de violence.

C'est ainsi que des ombres insignifiantes savent m'apporter tout ce qui manque, dans la vie, à l'amitié et à l'amour. Leurs gestes, au lieu de s'arrêter sur notre corps comme sur une barrière, le pénètrent, le traversent, s'achèvent. 11 suffit de presser leurs formes tièdes sur son cœur pour qu'elles l'envahis- sent et le dilatent. Un vivant qui sourit, qui pleure, même à notre propos, révèle en lui

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