Page:Giraudoux - L’École des indifférents.djvu/43

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qui ont remarqué mon regard, du haut de l’impériale, et qui sans tourner les yeux tournent leur visage et me le laissent une minute à contempler ; les sergents de ville qui surveillent, au coin des cités ouvrières, un horaire d’allées et de venues dont j’ignorerai toujours l’intimité. J’avais aussi la passion de tout ce qui est lointain, caressant, imprécis. Un mot abstrait me donnait je ne sais quel vertige. Au nom seul du Jour, je le sentais onduler silencieusement entre ses deux nuits comme un cygne aux ailes noires. Au nom seul du Mois, je le voyais s’échafauder, arc-bouté sur ses Jeudis et ses Dimanches. Je voyais les Saisons, les Vertus marcher en groupes, dormir par dortoirs. J’avais pour le monde entier la tendresse et l’indulgence qu’inspirent les allégories.

Il est vrai, par contre, à mesure que j’examinais mes amis, que l’univers me semblait peuplé de fantoches. Des tics, des manies les rongeaient et m’éloignaient d’eux. Celui-ci passait son temps à se commander des cannes, puis à éviter les magasins, ses commandes ne lui plaisant plus ; dans certaines rues, il