Page:Giraudoux - La Première Disparition de Jérôme Bardini.djvu/45

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même dans le bonheur, ne provoquaient en elle aucun geste, aucune animation, à peine une douce chaleur. Ce matin, toujours avec cette réserve infinie qui ne lui avait jamais permis depuis ses fiançailles de saisir la première le bras de son mari, de demander ou de provoquer un baiser, elle attendait que Bardini lui prît la main. Ces demi-inclinaisons de tête, ces demi-glissements de la paupière, ce quart de sourire, qui étaient chez elle l’expression déchaînée de la volupté et de l’amour, elle ne se les était permis qu’à l’intérieur d’un édifice de tendresse construit tout entier par son mari. Elle attendait donc. Son mari allait partir pour jamais dans quelques heures ; impassible dans son élan, elle attendait qu’il se baissât vers elle, elle ne rapprochait pas d’un millimètre sa main. Son mari s’embarquait pour une nouvelle série de bonheurs,