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Page:Giraudoux - La Première Disparition de Jérôme Bardini.djvu/68

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de cravate offerte par Bellita. Veston et pantalon, qui n’auraient plus chaque jour comme forme l’être pour lequel ils avaient été faits, étaient avachis pour toujours. Il avait là le premier désespoir, la première dépravation que causerait son départ. Il toucha cette étoffe, il toucha ces boutonnières avec un peu de pitié comme il eût touché la peau, la bouche de Jérôme mort. Il vit les places un peu usées, celles par lesquelles il avait un peu trop appuyé contre sa première vie. Il caressa son coude, si lustré, par lequel il avait pu, souvent, soutenir cette tête maintenant évadée. Mais on n’embrasse pas son cadavre privé de sa tête. Il replongea, le sac entre les dents, il aborda l’autre rive en naufragé qui fuit son radeau pour gagner l’île. Dans un de ces saules creux où les Parisiens en vacances croient que se logent les hiboux, il trouva les vêtements cachés