Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/142

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parce que leur bonté leur a valu, là-bas, à la ville, des deuils et des malheurs que vous ne pouvez soupçonner. Et d’ailleurs, le soleil se lèverait-il plus tard si toutes les voitures avaient leurs lanternes ? Chasseurs, voituriers, coquassiers, trouveraient leur compte à la franchise car les revenus de l’octroi décupleraient et l’on baisserait les taxes. Les vieilles qui n’ont pas vendu leur cresson auraient droit pour le remporter à un passe-debout. La bascule serait réparée tous les ans, et l’on ne serait plus obligé de retrancher dix kilos de chaque pesée, comme si la colonne d’air qui est au-dessus de la plaque surpassait d’un nombre infini de kilomètres toutes les autres.

La poule, lasse de chercher, couvait le sable d’où naissait de gros grillons. Le piston, maintenant indifférent, trottinait en amateur parmi les basses. Jean frissonnait.

À quoi bon raisonner ainsi ? Plus tard, il expliquerait tout au petit duc ; aujourd’hui, il fallait qu’il vînt. Il viendrait. Sans lui la vie était à peine possible. Toutes ces fêtes, toutes ces saisons qui apportaient elles-mêmes leur joie alors qu’il ne le connaissait point, s’étaleraient maintenant sans but par l’année, comme des perles