Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/155

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Les enfants sortaient par deux de la maison d’école, et les moniteurs nous aperçurent trop tard pour les retenir. Tous se sont tus. Les petits garçons laissent leur toupie mourir sans la refouetter, te saluent, reculent quand tu leur tends la main, puis se laissent embrasser, sans un mouvement, les yeux fixes ; leurs cartables tombent, ils recueillent leurs devoirs lentement, machinalement, et, se sentant tristes, se croient coupables. Les petites filles au contraire restent à l’écart, revêches, s’éventent, jacassent, et répandent à la dérobée des épingles. Mais l’institutrice débouche de la cour, distribue des gifles à qui se retourne, et le cortège s’en va alourdi et embarrassé comme un enterrement qui laissa, par mégarde, le mort à la maison. L’adjointe les suit, gaillarde, tâtant ses peignes.

Et voici le lavoir tari, où l’on peut vérifier, dans la vase qui garde les empreintes, quels chevaux ont l’habitude de se baigner ; voici un petit chien qui, enthousiasmé à ma vue, galope autour de la place, et ne peut attraper ni son ombre ni sa queue. L’ombre abandonne la chaussée au soleil