Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/164

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

naît que New-Jersey, aux fleuves d’argile, aux bosquets d’érables cramoisis, aux baies où la mer s’écaille en lamelles de cuivre, aux étangs bleu-Rachel qui mirent durement des pêcheurs en chapeau melon et en maillot garance. Amitié, Amour, je la conduis dans ma province, vous nous accompagnerez, on nous attend.

À Fromental, les jeunes filles viendront vers nous, barrant la route, timides et rieuses. La plus jolie vous paraîtra avoir des taches de rousseur, mais c’est qu’avant de l’admirer, vous aurez regardé le soleil. Elles t’offriront. Amour, des raisins, des pommes cueillies sur l’arbre, et, pour te gauler des noix, emprunteront au bouvier son aiguillon. À toi. Amitié, elles apporteront des fichus de laine blanche. Tu les remercieras en affirmant que tu n’as rien vu de plus beau, et elles avoueront qu’elles les ont brodés elles-mêmes. Mais tu penseras, maladroite, que ce sont des couvre-pieds. Alors on formera la ronde, et au mot embrassez qui vous voudrez, toutes se précipiteront vers Amour qui tendra les lèvres au baiser pour le rendre au moment même où il le reçoit et épargner ainsi du temps. À Limoges, vous mangerez des galettes de sarrasin dans des