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VIII


Midi. On s’étonne, aux carrefours où les routes s’accrochent en aiguilles qu’elles ne se rabattent pas les unes sur les autres. Les tailleurs de pierre donnent leurs derniers coups de masse, et l’écho du grès vous arrive, régulier, assourdi, comme si les cadrans solaires se prenaient à sonner. Même du fond d’un puits vous ne verriez plus les étoiles ; les héliotropes se dressent, empesés ; les chats cerclés de brun s’allongent comme des ressorts, les iris fondus dans leurs yeux verts, la queue dans le matin, la tête dans le soir. Vous n’avez aucune peur de sentir le soleil juste au-dessus de votre tête, car même s’il se décrochait maintenant, vous seriez mort depuis des années avant qu’il n’arrivât ; les horloges sonnent sans compter, sûres qu’elles ne sonneront jamais trop, et vous vous demandez si c’est au sixième coup ou au douzième que midi vient.