Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/227

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par bey. L’agent voyer essayait cependant de deviner, en récitant une ronde qu’il savait jadis par cœur : Marie-Louise, petite cerise — Marie-Thérèse, petite fraise — Marie-Rose, petite rose.

— J’ai rêvé, hasarda-t-il, que je vous le demandais à genoux ; et que j’embrassais par surcroît votre main.

— Avez-vous rêvé, dit-elle, qu’il pleuvait ?

Il allait justement en faire la remarque, il pleuvait même à travers l’arbre. Une goutte tomba sur les lèvres sèches de Marie-Louise et s’y étala comme une tache sur un buvard. Ils se levèrent, pour offrir moins de surface à l’averse, et s’enfoncèrent dans le taillis. Les feuilles tombaient, entraînées par de l’eau qui séchait en route, et elles remontaient dans l’air, délestées. L’agent voyer ne pouvait lutter contre son amour. Il parla.

— Peut-être, dit-il, vous représentez-vous Jésus-Christ comme un adolescent aux traits de femme, avec des cheveux roux et bouclés ?

Elle s’arrêta, sans répondre. Elle avait écrasé une petite grenouille qui se hâtait vers l’étang, par peur de la pluie. Un tout petit cœur battait encore et soulevait le ventre tacheté ; elle la