Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/80

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tèrent. C’est qu’elle avait enfin compris notre campagne, émoussée et claircie par chaque matin neuf ; et nos sources, où flottent des mottes de beurre, comme s’il suffisait d’écumer leur eau pour avoir la crème ; et la grêle, qui passe les coteaux et les toits au papier de verre ; et les heures du soir, à travers lesquelles on voit déjà la lune et qui, le bousculant pour rire, laissent tiédir midi au creux de chaque fenêtre. Ajoutez que l’ombre maladroite s’élargissait en clairière autour d’elle. Elle voulait m’embrasser, je me secouai et m’enfuis.

Il était temps ; le cortège se massait déjà à l’angle du presbytère, et je tenais à jouir du scandale que l’absence d’Estelle provoquerait. J’entrai dans sa chambre sur la pointe des pieds ; mais, ô miracle, elle était là. Assise près de la fenêtre, voilée de noir, elle attendait sans mot dire. Le curé souffla la lampe et m’installa sur ses genoux.

Or, ce n’était pas, Dieu merci, les genoux d’Estelle ; chaque ressort en frissonnait, se prêtait ou se tendait par malice, puis, le poids forçant, s’affaissait sans hâte. Je ne connais pas non plus ce parfum : arôme de ces fougères ajourées qui