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RETOUR D’ALSACE

lui a fait mal, et s’est prise dans la brigade. Le bandeau noir qui doit lui servir le dimanche pour son nœud alsacien est autour de sa fluxion. On me la confie, car elle ne sait que l’allemand. Spechbach nous fête. Je reconduis Babette à sa famille qui s’empresse, mélangeant à mon profit son affection pour les Français et la reconnaissance due aux dentistes. On m’invite à dîner, on sort de vieilles cartes où Spechbach est en grosses lettres, n’ayant point encore le désavantage qu’un grand peintre n’y soit point né, les recueils des tableaux patriotiques du Salon y compris 1892, date de ma fièvre muqueuse, et je reconnais de cette année chaque zouave, chaque vitrier. Babette installe elle-même sa lessiveuse pour notre soupe, malgré les soldats qui la supplient de ne pas se mettre en courant d’air. Le grand-père, qui voit que tout arrive, ne peut plus croire maintenant que ses souhaits plus modestes se réalisent moins : il me confie l’espérance de voir son petit-fils médecin, son bétail vendu, Babette guérie pour toujours de sa dent. Une fois interne des hôpitaux, son frère pourra d’ailleurs la soigner à loisir. Je le quitte le plus tard possible pour regagner le bureau du colonel, installé dans le salon du presbytère. J’écris le résumé du jour, le vrai, où je ne parle ni de Mme  Sartaut ni de