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Page:Giraudoux - Retour d’Alsace, août 1914.djvu/50

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RETOUR D’ALSACE

le hanovrien saccadé des auteurs juifs qui déclament les traductions de Verlaine. Je demande à deux fillettes où l’on peut trouver des confitures, du miel. Elles éclatent de rire, comme on rit d’un acteur qui déclare se nourrir de miel, de compotes. Je voudrais savoir aussi où est l’école : acteur bizarre, qui va à l’école ; elles m’accompagnent en se contenant à peine. Voici l’école ; elles me montrent les cahiers de composition, écrits tous en allemand, dans une écriture raide de parade, cahiers que l’empereur pourrait honorer d’un regard. Dessins orgueilleux dont le moindre est un palais de l’agriculture citadine ; problèmes d’arithmétique à la donnée dure et sèche, que l’on a envie de résoudre par la chimie, et qui vous font restituer, sous peine de correction, les chiffres, les stères, les kilomètres. Pas un mot de français. À Saint-Cosme seulement, chaque dictée, quel qu’en fût le sujet, Charlemagne ou Geneviève de Brabant, — les instituteurs alsaciens choisissent toujours leurs héros dans leur méridien — était suivie d’une phrase à nous, sans rapport avec le texte : « L’oseille est un légume », « l’ail est une plante », « la coquetterie est un vice ». Brave maître d’école qui bordait les massifs impériaux de persil et de défauts français. Voici le cahier de ma fillette la plus grande : elle a très