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Page:Giraudoux - Retour d’Alsace, août 1914.djvu/9

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RETOUR D’ALSACE



Bellemagny, 17 août 1914.

… Troisième réveil au delà de la frontière. Aube brumeuse. Encore étendus dans notre foin, endoloris, il nous faut raisonner, pour nous rappeler que l’Alsace dort près de nous, et nous en réjouir. Premiers matins où les jeunes mères aiment leur fils, mais pas encore par amour maternel ; elles le plaignent, elles l’admirent ; il sera un grand artiste : il se mariera. Sans ouvrir les yeux, nous pensons qu’Odile est un joli prénom, Kléber un beau nom. Puis la pensée nous arrive soudain, comme chaque jour, que le régiment est parti sans nous. Nous nous levons à demi habillés, des inconnus autour de nous surgissant du foin, à la vitesse et avec les ennuis d’une résurrection, se plaignant du bras, d’une fluxion, de la jambe. Les brindilles sont imprimées sur nos mains, nos joues, même sur la joue malade, et jusqu’au soir