Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/170

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épouses, pour l’éternité inapprochables, des éleveurs d’écureuils rouges ou de zébus. L’empereur, à moins que ce ne fût le chef machiniste, avait remarqué mon amie, et un rayon de projecteur, coup d’œil impérial, l’avait un moment encerclée ainsi que mon bras et ma jambe droite. Puis, sortis de notre rang à grand-peine, car elle était parvenue, au moment même où Théodora périssait, à lier son soulier blanc à l’un de mes lacets, ou, pendant le suicide d’un simple comparse, une de ses tresses à ma cravate, nous regagnions Charlottenburg par le Tiergaten, dans un vieux carrosse que la lune se plaisait à distinguer comme Guillaume II Lotte, mais avec plus de constance, élargissant peu à peu le cercle d’argent jusqu’aux jeunes villas grecques sous leurs ifs et leurs sureaux. Parvenus dans l’édifice sassanide à porte Louis XVIII qui figurait la demeure de Walden, et cependant que la lune, à travers la fenêtre égyptienne, désignait dans l’aquarium de ma chambre le têtard double qu’elle chérirait d’amour cette nuit-la, il fallait encore, désirs de la nuit, qu’elle liât nos bras et épaules par le jeune boa qui rêvait sur les paillassons et s’y frottait le ventre comme une semelle… Il est a croire que cette Lotte l’aimait, si c’est aimer que s’attacher en quinze jours de toutes ses fibres à un inconnu, et, le jour où il part, de ses mains, de ses jambes, et de tout ce que Dieu a donné à l’homme pour se cramponner ou se souder à la terre ; mais elle refusa de se croire aimée jusqu’au jour, où, de Paris, l’ayant à peu près oubliée, je lui écrivis pour lui raconter le Grand Prix. Je n’ai jamais su pourquoi cette lettre lui parut une déclaration passionnée. Mes indications sur Moulins la Marche, mon