Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/174

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avaient tué leur père et mari. » « Le sieur Schang, de Colmar (ce qui démontrait quelle peut être l’influence de la France sur un pays innocent à elle confié), venait de violer la fille Schang. » « Dans un seul hôtel de Paris, l’actif commissaire du XVIIIe avait arrêté trente souteneurs. » « Les portraits du Salon de la Nationale (le dénonciateur écrivait : le Salon nationaliste) n’avaient jamais été aussi nuls. À êtres nuls, portraits nuls. » Je dois ajouter que la dizaine d’Allemands affiliés à l’Antifranzosenhassliga m’envoyèrent à leur tour une lettre anonyme antidatée, chargée d’un fait à notre honneur : « Les danseuses cambodgiennes à l’Exposition coloniale de Marseille ont dit que le Lavandou était leur seconde patrie. » « Le bateau de Douarnenez a sauvé cet hiver plus de deux cents personnes. » « Un Français est champion de 110 mètres haies à quatorze années d’intervalle. » Le commissaire de police auquel j’allai me plaindre du vol de mes valises n’appartenait malheureusement pas à ce dernier groupe. Il prétendit que les Français étaient tous cleptomanes, et que ce peuple passait son temps à se voler lui-même. Je n’avais qu’à me regarder en face dans la glace et à obtenir de moi des aveux…

Au lieu de se livrer dans l’âme de Kleist, le combat continuait en dehors de lui, entre Eva et moi. C’était à nouveau, pour Forestier, cette fois, ma dispute alsacienne avec Zelten, mais Eva préférait, toutes les fois où Zelten m’eût livré un district allemand, m’abandonner un peu d’elle-même, et Forestier restait intact entre nous. Je ne cherchais plus qu’un moyen d’amener par surprise mon ami en France et de le retenir au-delà de la frontière comme les bons poli-