Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/18

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en Afghanistan… Un matin de juin, il arrêta sa voiture près d’un ruisseau…

Je ne comprenais plus.

*


J’avais fait le vœu de résoudre l’énigme, quand la Providence se défit en ma faveur du meilleur agent de renseignements sur l’Allemagne. Je retrouvai Zelten.

Un jour, je fus convoqué par mon marchand de dessins, et, au lieu d’approcher, dès mon entrée en sa boutique, ce carton que l’on suspend, céleste avoine, aux naseaux des notaires ou des boursiers qui ont dételé une heure pour chasser les Pillement, il me poussa vers trois dessins posés à plat sur un tréteau, ainsi qu’on pousse un enfant, sur une montagne suisse, vers la table protégée de verre qui explique le paysage et indique les cimes. C’étaient trois dessins en effet qui expliquaient à peu près tout ce qui se trouve d’élevé et de lumineux aux environs de l’âme… Il n’est jamais hors de propos de décrire un dessin de Poussin, — c’étaient trois Poussins. Le premier était minuscule, dix centimètres à peine sur quinze. Il représentait une ville dont l’aspect seul vous faisait venir à la bouche, comme la vue d’un fruit sa saveur, un beau nom féminin, — avec ses douze portes, sa tour de Babel ruinée à partir du huitième cercle, sa tour de Pise achevée mais penchée, son Odéon, son fleuve peuplé de laveuses et de marins dont je voyais ainsi les trois enveloppes, corps, ombres et reflets.