Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/218

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seul, le col de son veston relevé, car il n’avait pas dormi et il avait froid. Où était l’heureux temps où après l’enfilade des cavernes, je le retrouvais tout nu, mais au soleil ! Il avait accroché la photographie de sa mère sur le dossier du trône. Deux jeunes filles travesties en pages noirs, — tout ce qu’il avait pu travestir de ses six millions de Bavarois, — apportaient des télégrammes pour lesquels le facteur exigeait un reçu. Les maillots de ces dames ajoutaient encore à la ressemblance avec l’établissement de bain. Puis l’homme du train apporta lui-même un paquet recommandé. Puis Zelten fut appelé au téléphone, il y avait erreur, on demandait le café Stefanie. Tout cela tenait de la royauté et de la loge de concierge. Quand le nouveau roi m’aperçut, il vint me prendre les mains.

— L’opération est réussie, dit-il, mais le malade va mourir. J’aurai à choisir dans quelques heures un des quatre souterrains qui partent d’ici, car je me refuse absolument à revoir les Schnorr von Carolsfeld. Le premier m’amènera dans un orme creux de l’Englicher Garten, qu’on a eu d’ailleurs toutes les peines du monde à garder creux, car M. Grane, le journaliste américain, profite de la révolution pour faire plomber au ciment tous les beaux arbres qui sonnent vide. Le second est relativement moderne ; il aboutit dans la gare de Ceinture à une des fosses de nettoyage des machines. À la machine est attelée un wagon spécial. Le troisième, au lac de Starnberg. Le quatrième est inutilisable, il donne dans une prairie dont les foins sont coupés depuis hier. Que diraient les paysans de voir émerger la tête du dictateur, tiré aux pieds par un garde ? Je crois que je prendrai surtout le cinquième,