Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/47

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du soir, peut-être, en effet, n’était-ce pas à M. Forest de les dire, qui affirmait au steward suédois que les laitues à lui servies étaient arrosées au purin et non au porto ; ni à Curnonsky, qui se refusait à manger sa fraise de veau Stérilisée par l’appareil de Flonne ; ni à M. Rouff, aux prises à la fois avec un homard et un éternuement ; peut-être était-ce à moi ?…

La lettre de Zelten me permettait d’expliquer les plagiats S. V. K. par une hypothèse hier encore inconcevable, et déjà j’avais obtenu du steward toutes les heures des rapides de Munich. J’étais décidé à partir aussitôt pour la vérifier, pour ne perdre aucune chance de retrouver mon ami Forestier sans mémoire, mais vivant. Jamais, sur un navire, être humain ne désira à ce point voir une gare !…

«… Cher Jean, disait la lettre, la formule qui me hantait l’autre jour a disparu ou a pris une autre forme. Elle est devenue maintenant : Je veux être roi de Bavière… Voilà sur moi des indications suffisantes…

« En ce qui concerne S. V. K., son histoire est singulière. Il a été trouvé sur le champ de bataille, au début de la guerre, nu et agonisant, et après deux mois d’inconscience, s’est réveillé sans mémoire. Il a fallu lui apprendre à nouveau à manger, à boire, à parler allemand. C’est un major Schiffl de Stralsund qui s’est chargé de tout cela, et il a mieux réussi que Schlegel avec l’Allemagne de 1800, car S. V. K., qui produit peu, passe pour un des premiers dialecticiens d’Europe. C’est lui qui contrôle en ce moment la Constitution de Weimar. Surveille bien