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- ’ÉRIOKPHI DU PATHÉTIQUE ’167

amis, la moindre de ses âmes, se faisait saint pour passer devant une église, criminel pour quitter un salon ennuyeux. A ce passé comble et exaspéré, moi qui n’avais pas vu encore un seul mort, je devais chercher toutes les réponses dans mon avenir. C’est là seulement que mes héros, mes traîtres étaient rassemblés, un peu gauches encore, un peu indécis, comme des acteurs à la’lecture. D’une vie que j’avais toujours le droit d’imaginer aventureuse, féconde, d’une année glorieuse mais encore lointaine, d’une terre inconnue qu’un jour j’explorerais, du Gobi, du. Thibet revenant soudain, à la fois agacé et naïf, je bousculais tous ses souvenirs par le récit de mes futurs exploits. Elle n’eût pas accepté cela d’une femme, mais un homme, jusqu’à’trente ans, peut vivre de chèques. Nous nous quittions toujours pleins de confiance ; elle se séparait de moi avec peine, m’accompagnait jusqu’à la porte, me remettait à chaque départ le soin de récolter tout ce qui ne peut avoir été dans le passé d’une jeune fille, les duels, la ruine au jeu... Le sourire par lequel elle m’avait dit adieu demeurait toute la soirée, et parmi des indifférents, sur son visage. Mais, à mon retour, elle m’accueillait sans élan,