Page:Giraudoux - Simon le pathétique.djvu/33

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briand… Ce fut une tente qui s’abattait et ensevelissait tous nos aînés. Mais, tout seuls, nous n’avions pas peur…

Six ans, sept ans… Au séminaire, j’aurais déjà connu les recoins les plus chers de l’humilité ; au prytanée, aimé la discipline. Toujours orgueilleux et sauvage, dans mon lycée qu’avais-je appris ? Que devais-je à ces professeurs qui, demain, me donneraient eux aussi leurs derniers conseils et me prieraient de regarder en face leurs yeux sincères, difficiles à joindre, rapetissés par le lorgnon ?

Je leur devais une vie large, une âme sans bornes. Je leur devais, en voyant un bossu, de penser à Thersite, une vieille ridée, à Hécube ; je connaissais trop de héros pour qu’il y eût pour moi autre chose que des beautés ou des laideurs héroïques. Je leur devais de croiret à l’inspiration ; — à des chocs, à des chaleurs subites qui me contraignaient, en cour ou en classe, un oiseau divin me coiffant, à graver sans délai sur l’arbre ou le pupitre mon nom en immenses lettres. Je leur devais de croire à ces sentiments qu’on éprouve au centre d’un bois sacré, d’une nuit en Écosse, d’une assemblée de rois, — à, l’effusion, à l’horreur, a l’enthousiasme. Je