Page:Giraudoux - Suzanne et le Pacifique, 1925.djvu/156

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ration silencieuse, dont il m’avait semblé surprendre les miroitements, les scintillements. Mais je me sentais rassurée, de n’avoir touché leur île que de mes orteils. Je gravis les dernières marches. Je les voyais tous de face éclairés de dos par le soleil, leur ombre dans cette revue rangée à leur pied comme un équipement. Tous l’esprit et le corps tendus comme le fils de Footit quand son père lui demande s’il sait ce que c’est que penser. Tous, à ma vue, se demandant, cherchant en eux s’ils le savaient. Tous poussiéreux comme des marbres de commode, offrant à un kodak une proie superbe, et au cinéma juste le petit mouvement de leur ombre. Tous, par politesse pour un humain, essayant de m’accueillir par ce qu’ils croyaient la pensée ; celui-ci par un oiseau gris rampant qui le parcourait comme un pou ; celui-là par une grenouille dans ses oreilles à rebords qui conservaient une eau plus pure que celle des orchidées ; celui-là, en laissant tomber de son corps géant un petit bras usé. Parfois j’avais l’impression qu’ils se relâchaient de leur immobilité, que là-bas on s’inclinait, qu’ici on remuait. Je poussais un grand cri, et le garde-à-vous reprenait.

Ou apprend vite à distinguer les dieux. Un seul était vraiment beau, un seul m’eût plu, avec