Page:Giraudoux - Suzanne et le Pacifique, 1925.djvu/28

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flammes, puis éclater, et les palmiers en pot soudain calcinés, déçus jusqu’au bout par un pareil climat. Mais tout cela, et ruine, et fête nationale, et le feu lui-même nous l’approchions sans en souffrir avec un masque de mica rose que les deux vieux généraux touchaient quelquefois du bout de l’index en hochant la tête. Le frère du roi de Portugal traversait le Limousin dans un carrosse à douze mules ; il pesait deux cents kilos ; le duc de Palmella, son compagnon, cent trente ; mais ce n’était pas pour nous une désillusion : notre avenir commençait encore au delà de ce royaume dont les rois présents sont les extrêmes marques. Nous allions ; les parents du fils Merle nous obligeaient à toucher ses cils qu’il venait de couper au ciseau, on eut dit deux brosses à dents. Jacques Lartigue nous passait les vers que le petit poète bibliothécaire inlassablement nous dédiait, de petits vers recourbés, sans rime, dont il changeait seulement les adjectifs pour chacune de nous, comme s’il péchait à la truite. De sa fenêtre où il lisait l’Odyssée attribuée à Homère (car il contestait toujours l’existence des auteurs), et l’Adolphe attribué à Constant, M. de Lardois, depuis qu’il croyait nous avoir prouvé l’immortalité de l’âme par les causes finales, souriait à nos robes mortelles, et nous