Page:Gistucci - Le Pessimisme de Maupassant, 1909.djvu/29

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voile embaumé. Il l’a contemplée de plus près encore, dans le cimetière des capucins de Palerme, dans ces « lugubres et comiques catacombes », où des cadavres vêtus se tordent et grimacent drôlement sous leurs vêtements et sous les sinistres parures qu’on leur a laissées. Il l’a déplorée, avec la grâce poétique d’un Villon, en allant, avec un amant désolé, s’asseoir et rêver sur la tombe d’une jeune femme, au cimetière Montmartre. L’amant, attendri, murmure : « Pauvre chère, elle était si gentille et si amoureuse, si blanche et si fraîche… Et maintenant, si on ouvrait ça… »


De tout ce que nous avons dit, de toutes ces idées, de ces sentiments : négation de la Providence, amour et dégoût des plaisirs, sentiment de la misère humaine, on voit quelle œuvre littéraire devait sortir. Comment cette œuvre s’en est-elle trouvée déterminée, « conditionnée » ? et comment cet élixir de misanthropie, ce fiel puisé par Maupassant à l’épreuve de la vie ont-ils passé dans ses romans et dans la moindre de ses nouvelles ? — c’est ce qu’il faut maintenant chercher.

C’est ici le moment, croyons-nous, de bien caractériser sa manière d’écrivain.



« Le Naturalisme, a dit Zola, le chef de l’école, est la nature vue à travers un tempérament ». On sent par là ce que sera le naturalisme d’un Maupassant.

Son art est tout objectif. La soumission à l’objet est chez lui absolue. Il observe et il sait voir. Du peintre naturaliste il a l’œil « photographe », l’œil qui « pompe », la « main de voleur » qui « ramasse » tout.[1] Il a, de plus, l’esprit sans préjugés de l’expérimentateur, de l’enregistreur qui, n’étant

  1. Sur l’Eau.